« Il faut savoir attirer le spectateur non pas par le scandale, mais par la beauté »
Présentée à l’Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA) lors de la Septième édition des Soirées du Cinéma russe de Bordeaux, l’exposition « La Beauté du Ballet Russe » met à l’honneur les œuvres du photographe russe Oleg Zotov, célèbre pour ses clichés de danseurs classiques. Loin des standards de la photographie, Oleg Zotov se présente comme un anti-conformiste qui pose un regard critique sur la danse classique et le métier de photographe de mode.
Dans votre exposition « La Beauté du Ballet Russe », vous présentez les danseurs comme des modèles dépouillés des artifices propres à la danse classique. Moderniser le genre suffit-il à le démocratiser ?
C’est une question complexe. Je pense qu’il faut essayer de sortir de cet élitisme. L’art est très accessible au grand public. Mais le ballet reste quelque chose de très strict, très classique… A travers mon exposition, je voulais rendre la danse très naturelle, comme quelque chose de très vrai, surtout quand on sait que le ballet russe cherche à préserver ses traditions…
Quelles sont ces traditions ?
En Russie, le régime des ballerines est très dur, on les force à maigrir et à se surpasser. Leurs conditions de travail sont très compliquées. Il y a un cadre rigide dans le ballet russe, probablement qu’il n’admet pas la tolérance et la démocratisation.
« Quand l’objectif capte un artiste de ballet, vous gagnez le meilleur « outil » de création : un corps parfait, une culture magnifique de la plastique, une concentration de l’énergie et du pouvoir de partager ses émotions à travers une pose, un mouvement ou un geste… » C’est votre vision des choses. Peut-on considérer, donc, que la danse de classique représente la perfection ?
La notion de beauté, c’est quoi ? C’est une notion très liée à la mode… Mais, à mon avis, le corps d’un danseur de ballet est la représentation la plus parfaite de ce à quoi chaque personne peut prétendre. A mon avis, il n’y a pas d’idéal, pas de perfection…
La danse implique un cadre très rigide. La photographier, n’est-ce pas se condamner au conformisme ?
Quand je dis que la danse s’enferme dans un cadre rigide, ce n’est pas la danse elle-même mais la danse de ballet, qui est enfermée, comme beaucoup d’arts… Par exemple, lorsque j’ai photographié Maria Abashova à Saint-Petersbourg en 2008, il y avait un mélange de classique et de moderne. Elle sortait du cadre habituel. Tout cela pour vous dire que la photo ne possède ni cadre, ni frontière… Le plus important, c’est le respect pour le modèle. Il faut savoir attirer le spectateur non pas par le scandale, mais par la beauté…
En tant que photographe, vous considérez-vous comme un artiste ?
Non, la manière dont je me considère moi-même n’est pas importante. Artiste, photographe, le plus important à mes yeux, c’est comment je suis vu et considéré par les autres.
Quels messages voulez-vous faire passer ?
Mon vrai message, c’est que le corps humain, le corps parfait, peuvent être représentés sans artifice, sans Photoshop. Une simple représentation du corps, avec toute sa richesse. Si on parle de la censure, moi j’ai ma propre censure qui me dirige et me dit comment je dois travailler. Il n’y a pas de facteur externe qui dicte mon travail… On nous dit dans la mode que certaines choses fonctionnent de certaines façons… En quelque sorte, je veux me battre contre ce système de normes. Je dirige une école, j’explique à mes élèves que l’on peut travailler la photographie sans Photoshop. J’ai beaucoup de disciples qui me suivent, c’est une petite victoire !
Propos recueillis par Lara Dolan et Paolo Philippe
avec l’appui de Daria Tsoukanova comme interprète, le jeudi 30 novembre 2017