Grand reporter (Le Monde diplomatique, Le Monde Afrique, Géo…), Olivier Piot est aussi le fondateur de la plate-forme Médias & Démocratie, qui organise, chaque année depuis 4 ans, des sessions de formation à destination de journalistes et étudiants en journalisme venus de pays d’Afrique.
Du 23 au 27 septembre dernier, après une première semaine à Tunis, il accompagnait à Bordeaux une délégation de professionnels et futurs professionnels venue de Tunisie, d’Algérie et de Mauritanie. Deux rencontres avec les étudiants de l’IJBA étaient au programme :
Mardi 24 septembre pour une table ronde autour du journalisme en Algérie, dans le sillage du soulèvement populaire contre un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika.
Des journalistes algériens en débat à l’IJBA
Plateforme associative d’échange entre journalistes français et africains, « Médias et démocratie » a organisé mardi 24 septembre à l’Institut de Journalisme Bordeaux-Aquitaine (IJBA), une conférence sur les enjeux des médias dans l’Algérie actuelle, secouée par la contestation populaire. Six journalistes et futurs journalistes algériens étaient invités pour croiser leurs points de vue.
Qu’ils soient étudiants à l’école de journalisme d’Alger, comme Amira Mahfoudi, Assia Kebacha et Brahim Bouda, ou journalistes confirmés comme Lyas Hallas, Nesrine Mellat et Driss Benmouffok, ils ont tous vécu au plus près, depuis février dernier, une page d’histoire de leur pays, à travers les soulèvements qui ont conduit à la démission du président Bouteflika le 2 avril. « C’est une expérience qu’on ne revivra peut-être jamais », témoigne l’une des étudiantes devant ses homologues de l’IJBA. Pour eux, le « hirak » a aussi été l’occasion de réfléchir sur la place des médias en Algérie. Car de l’avis général, ce mouvement n’a cessé de venir confirmer un dysfonctionnement de l’information. Journaliste au Soir d’Algérie et à Mediapart, Lyas Hallas ne manque pas de rapporter combien les médias algériens ont mal saisi la nature du phénomène. Comment expliquer par exemple que la télévision ait accordé si peu d’intérêt au terrain et aux images de la rue ?
Opinion et information
Comme le rappelle Driss Benmouffok, journaliste web à Oran, la presse indépendante existe en Algérie, mais après la décennie noire,
elle a été soumise à des pressions croissantes, contraignant beaucoup
de journalistes à abandonner leur métier. Par conséquent, une presse
d’opinion s’est peu à peu substituée à la presse d’information, regrette
Lyas Hallas, pour qui les médias défendent souvent des positions trop
éloignées de la réalité et empêchent les citoyens de se forger leur
propre conscience. De là, lors des rassemblements contre le cinquième
mandat, le fossé entre la rue et sa couverture médiatique, qui a mené
les manifestants à diffuser leurs propres vidéos et témoignages sur les
réseaux sociaux, et à se montrer parfois hostiles envers les
journalistes professionnels. Lyas Hallas s’exclame : « quand tu portes
une caméra, tu risques d’être lynché ! ».
Réflexes personnels
Trouver
des solutions à cette crise de communication entre le peuple et les
médias est donc un véritable enjeu. Également invitée par « Médias et
démocratie », Hélène Guinaudeau est responsable de développement pour Le Monde Afrique.
Elle fait part de la mise en place d’un fil d’actualité sur Whatsapp,
application très utilisée en Afrique, pour faciliter l’accès à
l’information sur le continent. En Algérie, les utilisateurs du réseau
social ont ainsi pu suivre, depuis leurs smartphones, des éditions
spéciales couvrant les manifestations. Mais pour Lyas Hallas, un travail
de conscientisation des journalistes face à leur métier est aussi
nécessaire. « Les journalistes doivent renouer avec des réflexes
personnels », explique-t-il, à commencer par des démarches d’enquête et
de vérification des faits. Il plaide enfin pour le développement d’une
presse de proximité, afin que les citoyens se sentent davantage
représentés dans l’espace médiatique. À en juger par les craintes,
exprimées en fin de débat, d’un manque de représentativité du peuple
parmi les candidats à l’élection présidentielle prochaine, il appartient
aux médias de porter la voix des Algériens.
Théo Abarrategui
Etudiant en Master 1
Vendredi 27 pour un colloque de clôture consacré aux lanceurs d’alerte en France et en Afrique, en présence du Congolais Jean-Jacques Lumumba, à l’origine de révélations ayant mis en cause la BGFI Bank, et par ailleurs petit-neveu du premier premier ministre de RDC, Patrice Lumumba, assassiné en 1961.