Du fond du cœur, merci

Hommage prononcé par Edith Rémond, diplômée 1971, ancienne directrice de l’IUT journalisme de Bordeaux et créatrice de l’IJBA, lors de la cérémonie d’adieu à Pierre Christin, mardi 8 octobre 2024, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, à Paris.

« Le voici donc venu le temps de l’ultime séparation, de la cérémonie des adieux, des hommages… Celui aussi de la fin des ignobles souffrances, du désarroi des derniers mois, des dernières années.

D’autres que moi évoqueront le prodigieux scénariste, le parisien qui racontait aussi bien la petite ceinture que ses tours du monde. Mais les innombrables témoignages de tes anciens étudiants, qui me parviennent depuis l’annonce de ton décès, disent assez le magnifique prof d’écriture que tu fus et qui érigea cette discipline en artisanat. « Pierre Christin, dit celui-ci, ce sont deux années merveilleuses à l’IUT. C’est l’apprentissage d’un métier. Et aussi le travail sur les mots, les phrases ». Un autre conservera « le souvenir d’un homme extrêmement créatif et prévenant ». Un autre encore, de la toute première promotion, t’évoque comme « un enseignant hors normes qui nous a déniaisés ». Toutes et tous disent combien ils sont affligés, tristes et émus de ton départ.

A la place que j’ai occupée auprès de toi, je peux aussi témoigner de ta si exigeante et si généreuse amitié, de ta loyauté et ta fidélité, de la force de persuasion que tu partageais en me ralliant à tes analyses et tes pressentiments, de la légitime fierté que tu éprouvais d’avoir créé à Bordeaux une école universitaire, pionnière du combat pour la mixité sociale et un professionnalisme éclairé des journalistes.

Tu m’en as confié les clés en 1986. Après avoir été, moi aussi, une de tes anciennes élèves, j’étais une enseignante dans ton ombre, étonnée de ta confiance et impressionnée par ton intelligence. J’ai raconté récemment dans un livre – que nous avons concocté ensemble – cette histoire aussi surprenante que prodigieuse.

Ce que je n’ai pas écrit, ce sont les secrets de l’arrière-boutique. Car, si tu avais quitté la direction, ton attachement à cette école était intact. Et pourtant tu m’as laissé les mains libres, me conseillant seulement quand je te sollicitais, m’épaulant même quand je ne suivais pas ton avis, présent et discret à la fois, chaleureux et indispensable soutien des jours difficiles, joyeux et enthousiaste quand le succès était au rendez-vous.

C’est cet indéfectible compagnonnage qui m’a donné la force et le courage de poursuivre ton action, qui a illuminé ma vie. Tu en as tracé le cours et personne ne m’a plus façonnée que toi.

Merci Pierre. Du fond du cœur merci. Pour tout cela et aussi pour les partages plus intimes : les si joyeuses vacances à La Roque, l’affection attentive et précieuse que tu as portée à mes enfants, ta joie de me confier quelquefois la jeune et délicieuse Angèle qui avait toujours un livre à la main et parlait si bien de son papa, les soirées avec toi et Florence où nous n’en finissions pas de commenter l’actualité et de confronter nos opinions sur le monde.

Je veux croire que, là où tu es parti, tu as retrouvé Jean-Claude Mézières, Annie Goetzinger et André Juillard qui dessinaient si bien tes histoires, tes scénars, tes « Reeurk… », tes « Ouiiin », tes « Schplaf » et toutes ces femmes belles, énergiques et courageuses que tu as créées. Je veux croire que tu y as trouvé un piano et que tu y improvises encore ces airs de jazz que tu affectionnais. Je veux croire que tu joueras encore quand je te rejoindrai et que nous pourrons rire en vieux complices des bons et des mauvais jours.

D’ici là, posé sur mon épaule, ton esprit pour toujours m’accompagne. »

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